Vous courez! Vous courez encore! Vous sentez que votre souffle vous échappe, vos jambes tremblent, des crampes transpercent vos flancs comme des poignards. Brutus, votre chien non castré, tout heureux, pense que c’est un jeu et gambade de bonheur tout en accomplissant des acrobaties aériennes en plein milieu du boulevard Don Quichotte! Et voilà que deux rues plus loin, une belle femelle caniche en chaleur, Cannelle de son petit nom, émet des phéromones depuis une semaine. Alors ce matin, après en avoir rêvé toute la nuit, Brutus s’est levé avec une seule idée en tête… rejoindre Cannelle, malgré vos plans bien ennuyeux d’aller travailler!

Il y a douleur et… douleur.

Vous voici donc confronté à la grande décision de faire castrer votre beau gros Brutus, question de calmer ses ardeurs de fugueur. Que ce soit pour votre chat, votre chatte, votre chien, votre chienne, ou tout autre animal de compagnie, il est très important au moment de sélectionner le vétérinaire qui effectuera une procédure chirurgicale sur votre animal de prendre le temps de vous renseigner sur les protocoles d’anesthésie et surtout sur les protocoles de contrôle de la douleur qui y sont en place… avant, pendant et aussi après la chirurgie. Hé oui!, il ne s’agit pas simplement de mettre votre animal sous anesthésie pour pouvoir supposer qu’il ne ressentira pas la douleur de l’intervention, ni de ses suites.

En effet, même si le cerveau conscient de votre animal est arrêté lors d’une anesthésie, le cerveau de la douleur demeure quant à lui bien actif s’il n’est pas spécifiquement arrêté lui aussi. Une bonne anesthésie comporte donc deux volets; un qui cause la perte de l’état de conscience (l’anesthésie en tant que telle) et l’autre qui cause la perte/diminution de la sensation de douleur (l’analgésie) pour une période qui INCLUT le réveil de l’animal et un minimum de quatre heures APRÈS ce réveil. En vous assurant que votre animal dort paisiblement et ne ressent aucune douleur lors de l’intervention chirurgicale, vous protégez ainsi les terminaisons nerveuses de son système et prévenez le développement de douleurs fantômes, de membres fantômes, ou de douleurs chroniques.

Un très bon exemple de douleur fantôme est celui qui peut être induit par un dégriffage chez le chat, procédure aujourd’hui fortement découragée par l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, qui consiste en fait en l’amputation de la dernière phalange de chaque doigt des mains et des pieds de l’animal. Si la patte n’est pas insensibilisée par l’administration d’une morphine systémique (Hydromorphone) ET par l’injection locale d’un analgésique, les terminaisons nerveuses ayant été agressées sans désensibilisation continueront à émettre des signaux d’alerte, même une fois l’amputation terminée. Le chat pourra alors développer des douleurs de membre fantôme qu’il devra endurer toute sa vie.

Les bonnes questions.

Bref, il est souvent bien difficile de s’y retrouver dans cette terminologie complexe tout en vous assurant d’offrir une médecine de qualité pour votre gros Brutus. Voici donc un petit guide qui comporte quelques questions importantes à poser lors de votre investigation :

  • Est-ce que votre animal recevra un anti-inflammatoire injectable comme le Meloxicam AVANT la chirurgie?

  • Est-ce que votre animal recevra une molécule morphinique comme l’hydromorphonedurant la chirurgie, ainsi qu’après s’il est toujours en douleur?

  • Est-ce que votre animal sera intubé durant la chirurgie (installation d’un tube dans la trachée pour administrer correctement l’oxygène et le gaz anesthésiant)?

  • Est-ce que votre animal recevra un bloc locorégional (injection d’un insensibilisant au site local de la procédure) avant la procédure?

  • Est-ce que votre animal sera maintenu sous perfusion par cathéter intraveineux AVANT, PENDANT et APRÈS la chirurgie et jusqu’à sont réveil?

  • Est-ce que vous recevrez un minimum de 4 jours d’anti-inflammatoires, comme le Meloxicam, pour la maison après la chirurgie?

  • Est-ce que vous aurez la possibilité de faire ajouter, au besoin, un analgésique complémentaire comme la buprénorphine (morphine), dans le cas d’un chat, ou le tramadol, dans le cas d’un chien, afin de bien contrôler la douleur?

Comme vous avez pu le constater, soulager la douleur est mon dada! J’espère donc avoir pu démystifier pour vous les ABC de la douleur!

Dre Sarah Annie Guénette

BSc Zoologie, DMV, PhD anesthésie et analgésie

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