Reconnaître les signes et intervenir avant qu’il ne soit trop tard
Identifier les signes de douleur : un défi quotidien
« Frimousse n’a jamais monté les escaliers. Je la prends dans mes bras depuis qu’elle est petite. »
« Saucisse ne saute plus sur mes genoux… Elle est plus calme, mais elle crie si je la touche. »
Ces témoignages sont fréquents en consultation. Pourtant, derrière ces comportements apparemment anodins se cache souvent une réalité bien plus préoccupante : la présence d’une douleur chronique, que l’animal endure parfois depuis longtemps.
Les animaux ne verbalisent pas la douleur, mais cela ne signifie pas qu’ils ne la ressentent pas. Ils disposent des mêmes structures neurologiques que les humains pour percevoir la douleur, à la différence près qu’ils ne peuvent l’exprimer avec des mots. Ils la traduisent par des comportements, souvent subtils.
Signes courants de douleur chronique (non exhaustif)
- Diminution de l’activité ou des jeux
- Difficulté à monter ou descendre escaliers / meubles
- Changements de posture (dos rond, raideur)
- Isolement, irritabilité ou agressivité
- Vocalisations (gémissements, cris) lors de la manipulation
- Perte d’appétit, nausées, vomissements ou diarrhée
- Incontinence ou malpropreté
- Sommeil excessif ou sommeil agité
- Mouvements ralentis, boiterie
⚠️ Ces signes sont souvent interprétés à tort comme du vieillissement, de la fatigue ou une « personnalité calme », ce qui retarde la prise en charge.
La douleur non traitée : un risque de chronicisation
Lorsqu’un animal vit avec une douleur persistante, son système nerveux s’adapte — mais pas dans le bon sens.
Il sensibilise ses récepteurs, intensifie les réponses douloureuses, et finit par développer une douleur dite pathologique, qui ne remplit plus de rôle protecteur. C’est la douleur avec un grand D, celle qui devient une maladie en soi.
Ce phénomène peut être observé chez l’humain également : fractures multiples, hernies discales, névralgies, etc. À la différence près que l’humain peut demander de l’aide. L’animal, lui, souffre en silence… jusqu’à ce que le seuil soit dépassé.
Le traitement préventif : un concept essentiel
En médecine vétérinaire moderne, l’approche préemptive est de plus en plus privilégiée.
L’analgésie préemptive consiste à traiter la douleur avant qu’elle ne s’installe, notamment lors d’interventions chirurgicales ou médicales douloureuses (orthopédie, neurologie, chirurgie dentaire, etc.).
Cette stratégie diminue la réponse inflammatoire, protège les terminaisons nerveuses, et réduit considérablement le risque de douleur chronique post-opératoire.
Évaluation, diagnostic et protocole individualisé
Dès l’apparition de signes suspects, une évaluation clinique complète doit être réalisée par un vétérinaire. Elle peut inclure :
- Radiographies,
- Analyses sanguines et urinaires,
- Mesure de la pression artérielle,
- Évaluation de la douleur à l’aide de grilles spécifiques (de 0 à 4, selon les recommandations de l’AAHA*).
Une fois la source de la douleur identifiée, le vétérinaire met en place un protocole multimodal, adapté à la situation clinique et à l’individu.
L’AAHA (American Animal Hospital Association) a d’ailleurs rendu l’évaluation de la douleur obligatoire dans tous les examens cliniques de ses établissements accrédités depuis 2007.
Traitements disponibles : une approche multimodale
Le traitement de la douleur chronique ne repose pas sur un seul médicament, mais sur une combinaison synergique de plusieurs approches, incluant :
- Médicaments
- Anti-inflammatoires (COX-1, COX-2)
- Analgésiques opioïdes (ex. : tramadol, buprénorphine)
- Modulateurs nerveux (gabapentine, amitriptyline)
- Cannabinoïdes, antibiotiques à propriétés antalgiques, anesthésiques locaux…
- Interventions chirurgicales
- Lorsque la douleur provient d’un conflit mécanique (compression nerveuse, friction articulaire, instabilité).
- Thérapies complémentaires
- Physiothérapie, laser thérapeutique, acupuncture
- Ostéopathie, massothérapie, kinésiologie
- Neutraceutiques (glucosamine, oméga-3, etc.)
- TENS (stimulation électrique), injections de cellules souches…
En conclusion
Reconnaître les signes de douleur et intervenir tôt permet d’éviter le piège de la douleur chronique.
Grâce aux connaissances scientifiques actuelles et à la diversité des traitements disponibles, aucun animal ne devrait vivre avec une douleur non traitée.
Si votre compagnon vous semble changé, plus calme, moins actif ou inconfortable, n’attendez pas. Consultez votre vétérinaire pour une évaluation.
Votre vigilance est sa meilleure protection.
👉 Dans notre prochain article, nous explorerons les protocoles d’analgésie en contexte chirurgical : comment s’assurer que son animal est bien pris en charge avant, pendant et après une opération.